Le mot d'humeur d'un pêcheur sous-marin

Par Hervé Gosselin | Nos actions

Le mot d’humeur d’un pêcheur sous-marin

Chasseur sous-marin, licencié FNPP/FCSMP et pratiquant la pêche en apnée depuis longtemps, je me permets de faire part de mes observations relatives au projet d’arrêté sur la zone CIEM7 ; plus globalement sur celles liées à la présence du lieu jaune sur le Nord Finistère, où je pratique de la mer d’Iroise au phare de l’île Vierge, et occasionnellement autour de l’île d’Ouessant.

Chasseur sous-marin + prise

Tout d’abord, c’est indéniable, la population de lieus jaunes adultes a diminué drastiquement ces deux dernières années sur les zones les plus fréquentées. Les bancs se tiennent plus profonds et sur des secteurs plus exposés aux forts courants. La surpêche n’est pas uniquement responsable de la baisse des stocks. Les conditions météorologiques, les déplacements des courants, la turbidité de l’eau et la présence répétée de périodes de grosses houles influent sur la migration des bancs.

Néanmoins, il est impossible de nier l’impact des pêches sur les stocks existants.

Nous ne pouvons que nous satisfaire que les instances s’inquiètent des stocks de gadidés. Mais il serait probant de ne pas confondre gestion de l’économie et sauvegarde de l’écologie. Ainsi, une gestion efficace ne doit accorder aucun arrangement ou dérogation. Hormis ce point noir déjà constaté depuis des années sur les frayères de bars, je ne porterai aucun jugement sur la pêche professionnelle, ne maîtrisant que peu le sujet.
Une ligne imaginaire, comme celle du 48e parallèle, séparant les zones CIEM 7 ET 8 est, en outre, le témoin d’une méconnaissance totale du fond des mers et du déplacement des espèces. Lorsque cette décision touche également la pêche de loisirs, cela devient totalement ridicule, car les décisions entraînent également une migration des pêcheurs récréatifs. Il conviendrait de faire très attention à ne pas créer de déséquilibre dans la gestion des espèces, par des protections ciblées. Cette erreur a déjà été commise en Méditerranée française avec le moratoire sur la pêche du mérou. Nos voisins espagnols ont abordé une tout autre version des restrictions, en ciblant la totalité des espèces et limitant la masse totale des captures, ils préservent ainsi l’équilibre de la chaîne alimentaire.

Que feront les pêcheurs demain ? Ils se rabattront sur les prélèvements d’autres espèces et il faudra imposer de nouvelles restrictions. C’est par ailleurs cette raison qui implique le pêcheur récréatif dans ce projet. Combien de pêcheurs de loisirs ont ciblé uniquement les lieus lorsque nous leur avons interdit les prélèvements des bars ?

Ne serait-il pas plus opportun seulement d’inciter les pêcheurs plaisanciers à diversifier de façon responsable et raisonnable leurs prélèvements récréatifs en conservant ainsi un impact de prédation équilibré pour la chaîne aquatique ?
L’impact de la pêche récréative est flou car les pêcheurs ne sont pas tous licenciés ou déclarés. Néanmoins, les grosses pêches récréatives de lieus jaunes, en hiver, sur les zones de frayères sont bien rares mais mises en avant via les réseaux sociaux où certains pêcheurs affichent des pêches dantesques néfastes à notre image. Elles se pratiquent par quelques pêcheurs fortunés, disposant de bateaux puissants, leur permettant de gagner des zones profondes éloignées de la côte. Les lieus jaunes se reproduisent effectivement sur des zones profondes, près des tombants exposés ou à proximité des épaves où ils trouvent des abris aux courants et de la nourriture à foison.

Chasseur sous-marin et capture

Ainsi, autoriser le pêcher/relâcher des lieux à ces profondeurs est complètement inapproprié.

Pollacius pollacius possède une vessie natatoire conséquente et les prises remontées à la ligne des fonds importants ne pourront jamais regagner les profondeurs. Nous les retrouverons mortes, flottant au gré des courants. Une solution simple pourrait être d’interdire la pêche à plus de quelques milles nautiques des côtes, de janvier à avril, laissant ainsi l’espèce disposer d’un sanctuaire de reproduction. Encore faudrait-il que tous les pêcheurs professionnels soient également privés de ces zones durant cette période.

N’est-il pas insupportable de toujours voir aussi des promotions sur le bar sauvage vendu sur les étals des GMS en pleine période d’interdiction ? Qu’en sera-t-il pour le lieu jaune ?

Pour résumer mes propos

  • La protection de la faune aquatique est une priorité sur la préservation des intérêts économiques. Nul intérêt de préserver une espèce sur une zone ciblée. Les poissons circulent. Les pêcheurs également ;
  • La protection d’une seule espèce tend à créer un déséquilibre dans la chaîne alimentaire aquatique et risque de créer un désastre bien plus inquiétant ;
  • Le lieu ne peut pas être pêché puis relâché. Cette méthode ne fonctionne qu’en pêche de surface et cette espèce n’y évolue pas ;
  • aucune étude sérieuse n’a démontré quel était l’impact réel de la pêche récréative sur les populations de lieus jaunes mais les réseaux sociaux maintiennent une image peu flatteuse de ce sport ;
  • La pêche sous toutes ses formes doit être totalement interdite sur les zones du large abritant les frayères, de décembre à mars, période la plus sensible ;
  • Interdire la pêche verticale l’hiver au large serait une mesure efficace. Les autorités chargées des contrôles peuvent facilement repérer des embarcations en action de pêche sur ces zones ;
  • Enfin, limiter le nombre de prises à deux poissons, en période autorisée, risque d’inciter les pêcheurs à relâcher des prises dans l’espoir d’en prendre de plus belles. Encore une fois, les poissons relâchés ne survivront pas.

Chasseurs sous-marin assidus, nous sommes les premiers témoins des évolutions halieutiques, météorologiques et écologiques. Nous ne sommes malheureusement que trop peu consultés malgré la présence de fédérations solides et bienveillantes. C’est regrettable.